Le dollar américain a été créé dès 1776 au moment de la déclaration de l’indépendance des Etats Unis d’Amérique, jusqu’alors colonies britanniques. Il est consubstantiel à l’histoire américaine et le contrôle de cette monnaie fut un enjeu constant sur lequel s’affrontèrent durant des décennies les tenants de la constitution américaine de 1787, qui donnait au peuple américain le droit exclusif de fixer la valeur de cette monnaie et le taux du crédit. Face à ceux, des banquiers d’origine anglo-saxonne, prônaient l’établissement d’une banque centrale, indépendante du pouvoir politique, qui agirait d’une façon analogue à celle de la banque d’Angleterre, créée en 1694 sous Guillaume d’Orange afin de contrôler la monnaie.
Dans cette lutte incessante, ce furent tantôt les représentants du peuple, tantôt ceux des grandes banques, qui, tour à tour, contrôlèrent le dollar.
La victoire définitive fut remportée par le cartel des banques en 1913, ce qui permit, conjointement à la banque d’Angleterre, de fournir aux belligérants le crédit nécessaire à la guerre de 14.
La monnaie émise par les banques centrales résulte en général de l’établissement d’un « bon du trésor » par le pays considéré. Si la monnaie ainsi émise est adossée à l’or, la quantité d’or en réserve dans les caves de la banque centrale doit correspondre en théorie et à minima au total de la monnaie émise. C’est ce qui permet de garantir la valeur de cette monnaie.
C’était le cas du dollar mais les monnaies européennes avaient abandonné cette conversion juste à l’éclatement de la guerre de 14. La banque d’Angleterre pouvait alors imprimer tous les billets qu’elle voulait. Cette monnaie sans contre-valeur est appelée « monnaie fiduciaire » et sa valeur est fixée légalement par la banque centrale qui l’émet. Fiduciaire vient de « fiducia » mot latin qui signifie confiance.
Le « standard-or » est évidemment préférable car il implique l’obligation pour la banque de donner en échange du billet le poids d’or correspondant à sa valeur. C’est pour cette raison que le dollar a été choisi comme monnaie dite « de réserve internationale » à la fin de la 2ème guerre mondiale, de façon a être utilisé dans tous les échanges commerciaux internationaux. Cependant, la parité-or impose de ne pas émettre de billets au-delà de leur couverture en or, ce qui pose le problème de l’augmentation des échanges commerciaux internationaux.
Personne ne connaît la quantité exacte d’or que possède la FED, mais de Gaulle, conseillé par Maurice Allais, suspectait cette dernière d’émettre des billets sans respecter cette couverture-or.
Il décida en 1962 d’échanger les dollars qui s’accumulaient dans les coffres de la banque de France contre des lingots d’or et cette démarche se poursuivit jusqu ‘en 1966. Au total, c’est plus de 900 tonnes d’or qui furent entreposées à la Banque de France et autant qui quittèrent la FED.
La quantité exacte d’or que possède la FED est un secret jalousement gardé, mais comme de Gaulle fut imité par l’Allemagne qui avait une quantité impressionnante de dollars et craignait une hémorragie de son or, la FED décida de quitter la parité-or le 15 août 1971.
Cette date est extrêmement importante car la parité-or du dollar était une clause essentielle de l’accord de 1944 cité plus haut et connu sous le nom de « Bretton Woods ». La puissance économique des USA était telle que personne n’a protesté (de Gaulle était décédé en 1970) et que le statut du dollar a été maintenu.
Dès lors, le système est devenu instable car la FED imprimait les billets sans limite, venant augmenter la dette publique américaine et chaque dollar émis générait un intérêt payé par le contribuable américain. Pourtant cette dette était indispensable à l’économie mondiale, car les besoins en dollars augmentaient au fur et à mesure de son développement.
C’est ce qui avait fait dire au secrétaire du Trésor américain John Bowden Conally en 1972: « le dollar est notre monnaie et c’est votre problème » car la valeur du dollar était devenue « fluctuante »
Ce changement radical de mode de fonctionnement se répandit dans toutes les principales banques centrales et celles qui étaient encore sous le contrôle de leur gouvernement reprirent leur indépendance. Ce fut le cas en 1973 de la banque de France, qui se voyait interdire de financer les déficits publics. L’État français, comme tous les autres, dut recourir aux banques privées pour le faire, naturellement moyennant intérêt, et ceci est à l’origine de notre dette qui devient « abyssale »
Il s’en suivit un déséquilibre financier grandissant car cet argent, créé à partir de rien, donc sans valeur économique, générait des intérêts qui, eux, étaient payés par de l’argent provenant de la création de valeurs économiques. En gros, un faux-monnayeur vous prête de l’argent qu’il fabrique lui-même et vous lui versez des intérêts en vraie monnaie gagnée par votre travail.
Plus les dettes deviennent importantes et moins les intérêts doivent être élevés, car les États ne peuvent plus les payer. Or, moins l’État est riche, et moins les banquiers lui font confiance ; plus le risque de non-paiement augmente, et plus les taux d’intérêts augmentent.
La BCE ayant été construite sur un modèle analogue à celui de la FED américaine, ce qui se passe pour le dollar se passe également pour l’euro, ce qui n’a rien d’étonnant. C’est pour cette raison que le traité de Maastricht avait prévu des conditions préalables destinées à maintenir la stabilité monétaire que chaque pays devait respecter pour pouvoir entre dans la zone euro. Hélas, les crises successives ont également déstabilisé le système de la BCE qui se trouve en plein dilemme ne pouvant ni augmenter, ni diminuer ses taux de crédit. Elle est donc, tout comme la FED, engagée dans une fuite en avant dont personne ne peut prédire comment elle va se terminer.
Les taux sont au plus bas, voire négatifs et les banquiers et les rentiers, y compris les fonds de retraite par capitalisation, ne gagnent plus d’argent. Et si les taux augmentent, ce sont les Etats qui risquent de faire défaut, et par conséquence la chute de tout le système.
Jean Goychman