Cachez ce baiser que je ne saurais voir

Cachez ce baiser que je ne saurais voir

Hélas, vous ne rêvez pas. Comme d’autres personnages de contes de fée, Blanche Neige est la dernière victime en date de la cancel culture qui ravage l’Europe : un cauchemar pour la liberté d’expression.

C’était il y a quelques mois. Un individu non identifié avait inscrit les mots « poisson raciste » sur la Petite Sirène. Le monument le plus célèbre de Copenhague est ainsi devenu l’un des symboles-ovni de cette cancel culture, exportée des Etats-Unis et qui n’en finit pas de déferler sur les pays européens.

Vous pensiez avoir touché le fond ? Accrochez-vous. Car le moment est venu d’assister au torpillage, dans le sillage de la bien pensance, d’un inoffensif conte de Grimm, adapté à l’écran par Disney en 1937. A l’origine de la polémique : le compte-rendu d’une visite au parc Disneyland d’Anaheim, de deux critiques du SF Gate, édition numérique du San Francisco Chronicle, grand quotidien de Californie.

Un baiser, pomme de discorde

En découvrant l’attraction dédiée à Blanche-Neige et les sept nains, ces journalistes bon teint ont failli avaler leur stylo. Non pas en raison de la couleur de peau de la princesse. Ni des tentatives d’assassinat réitérées à son encontre par une reine perfide. Mais à cause d’une scène perçue comme un crime de lèse-majesté féministe : celle du baiser final donné par le prince charmant à sa dulcinée, endormie pensait-il pour l’éternité.

Un baiser pour ainsi dire volé ? Il n’en fallait pas moins pour mettre le feu aux poudres. « Ne sommes-nous pas d’accord [pour dire que] le consentement, dans les premiers films de Disney, est un problème majeur ? Et qu’il faut apprendre aux enfants qu’embrasser, quand il n’a pas été établi que les deux parties ont la volonté de s’engager, ne se fait pas ? » ont plaidé les pseudo critiques, en appelant Disney à imaginer une autre fin pour Blanche Neige.

Croyant bien faire en réaction à cette histoire, la dessinatrice Coco a caricaturé la scène pour « Libération ». Aussitôt crayonné, aussitôt décrié : le dessin a été accusé de légitimer le viol par les défenseurs du politiquement correct.

Couperet de la cancel culture

Une polémique semblable a déjà touché d’autres dessins animés, à l’image de Pépé le putois, rayé de la liste des Looney tunes. L’animal, archétype du dragueur lourd qui passe son temps à poursuivre Pénélope, une chatte rebutée par ses avances et son parfum, avait fait les choux gras d’un chroniqueur du New York Times qui avait estimé, pince sans rire, que ce blaireau « normalisait la culture du viol. »

Des classiques de Disney ont aussi fait l’objet d’avertissements de contenu, ont été retirés ou reclassés sur les plateformes de streaming, pour des éléments jugés « problématiques ». La firme n’hésite pas non plus à censurer ses œuvres. Les chats siamois des « Aristochats » ont été coupés au remontage sous prétexte que leur présence pourrait choquer la communauté d’origine asiatique. Les « Peaux-Rouges » de Peter Pan ont disparu de l’écran par respect envers la minorité amérindienne.

Chasse aux sorcières

Au point qu’on se demande si, demain, il sera possible d’aborder un film, un tableau, un spectacle ou un livre, sans que le jugement soit parasité par la vertu, ou non, de son auteur, soumis au tamis du révisionnisme culturel et passé sous les fourches caudines du comité de salut anti discriminant, anti raciste et anti sexiste. Dans cette chasse aux sorcières des temps modernes, il s’agit d’exercer une constante vigilance (woke) pour dénoncer les créateurs jugés inconvenants ou les œuvres inappropriées, quitte à s’accommoder d’opinions sans nuance et de relectures anachroniques de notre histoire.

Le wokisme n’est au fond que le cache-sexe de la haine de la civilisation européenne et un bâillon supplémentaire et inacceptable à la liberté d’expression.

Parler franc