Toujours plus violentes. Toujours plus juvéniles. Les rixes entre bandes éclatent en nombre exponentiel. Il serait temps de stopper l’hémorragie autrement qu’avec de simples sparadraps.
Les jours se suivent et se ressemblent, tristes à mourir.
Lundi à Champigny-sur-Marne, un adolescent de 14 ans a été grièvement blessé à l’arme blanche et un autre, placé dans le coma, lors d’une rixe. Mardi, une autre bagarre entre lycéens a fait cinq blessés dans le 16e arrondissement de Paris. Inutile d’attendre les infos du mercredi pour en déduire que la délinquance juvénile n’a plus l’âge de ses artères. La guerre des boutons appartient à l’histoire du 7e art. Le feuilleton qui se tourne aujourd’hui s’appuie sur un scénario digne d’Orange mécanique comme en témoigne le lynchage de Yuriy, énième épisode de la barbarie ordinaire qui sévit.
Les chiffres – du ministère de l’Intérieur – parlent d’eux-mêmes : 357 affrontements entres bandes de jeunes ont été enregistrés en 2020, contre 288 en 2019, soit une augmentation de 25 % en un an. L’Europe, dans son ensemble, n’est pas épargnée. Selon un rapport publié le 19 février par l’Agence des droits fondamentaux de l’Union européenne, un jeune sur quatre a fait l’objet de violence physique ces cinq dernières années, contre une personne sur dix pour la population globale. Au passage, d’après Michael O’Flaherty, directeur de la Fra, l’étude « souligne la véritable ampleur de la criminalité dans l’UE », en dévoilant « la grande différence entre les chiffres officiels et l’expérience de la population en la matière. »
Péril jeune à la récré
Les experts eux, vous diront que les bagarres entre jeunes sont vieilles comme le monde. Que les Apaches qui terrorisaient Paris au début du XXème siècle, ont fait place aux blousons noirs, puis aux zoulous et autres loubards. Sauf qu’aujourd’hui, les morts ont treize ou quatorze ans tandis que leurs bourreaux du même âge dégainent l’artillerie lourde. Les chefs de bande n’hésitent plus à entrer dans une école pour y récupérer un sac de drogue ; et les balles perdues, à traverser les cours de récré. Analysant ce phénomène sur Europe 1 en octobre 2018, le sociologue Michel Fize parlait déjà de « radicalisation de la violence.» Ce qui a disparu, « c’est un code de l’honneur, des limites », expliquait-il.
Perte de valeurs mais aussi déscolarisation et délitement de l’école, démission des parents, rôle délétère des réseaux sociaux, développement du trafic de drogue et du crime organisé, regroupements à caractère territorial ou communautaire nés d’une immigration incontrôlée… Si les causes du mal sont connues, le remède se fait attendre. Le gouvernement a convoqué une réunion interministérielle sur le sujet le 1er mars dernier. Un plan de lutte contre les bandes doit être adopté d’ici le 1er mai. Lequel prévoit notamment de recourir à des groupes locaux de traitement de la délinquance, associant police, mairie et services éducatifs sous l’égide du parquet.
Laxisme judiciaire
C’est oublier qu’en octobre 2019, au lendemain d’une rixe mortelle, le ministre de l’intérieur, Christophe Castaner, avait promis une « remise à plat » du plan d’action contre les bandes, au demeurant déjà bien à plat. C’est enterrer aussi, la loi 2010-201 du 2 mars 2010 renforçant la lutte contre les violences de groupe pour mieux nous parler de publics fragiles, de sensibilisation, de prévention, quand la grande majorité des actes délinquants se produisent dans des zones de non droit, forteresses retapées à grand renfort de subsides publiques, que la police ose de moins en moins franchir.
A quoi sert donc un arsenal juridique face à la culture de l’impunité ? Aux chiffres officiels qui indiquent que 90 % des peines prononcées sont effectuées, le capitaine de gendarmerie Hervé Moreau rétorque : « Ce sont des rappels à la loi, des peines avec sursis […]. Sur les 400 000 actes délictuels ou criminels d’atteinte aux personnes commis en France chaque année, 15 000 personnes sont incarcérées. » (Europe 1). L’heure n’est plus au constat, au laxisme ni au blabla qui consiste à répéter en boucle que le phénomène des bandes n’est pas acceptable. Un peu moins de sémantique et davantage de coups de trique aurait sans doute plus d’effets concrets.