Le garde des Sceaux fait son cirque

Le garde des Sceaux fait son cirque

Les jours se suivent et se ressemblent pour Eric Dupond-Moretti qui ne loupe pas une occasion de se distinguer. Ce faisant, il donne une piètre image en Europe, de la fonction de Ministre de la justice.

En déplacement pour les Régionales dans la Somme, le garde des Sceaux en a pris pour son grade. A la terrasse d’un café, c’est avec Damien Rieu, candidat RN aux départementales, que Dupond-Moretti a eu maille à partir. Cette scène immortalisée par une vidéo, restera un grand moment de cinéma de rue tragi-comique. On y voit « Dupond-Mort de rire », celui qui revendique l’honneur d’avoir défendu le frère de Merah, aboyer de sa voix de ténor nicotique : « Maître Collard a en son temps, défendu l’assassin du juge Michel, ça ne vous a pas dérangé mais c’est normal, il était avocat. »

La remarque tombée à plat, Dupond-Moretti a mordu la poussière de son propre cirque en s’aventurant sur un autre terrain : « Et la fortune de Monsieur Collard ? Et la fortune de Madame Le Pen ? » Des propos qui rappellent irrésistiblement De Funès dans La Folie des grandeurs mais qui s’avèrent curieux dans la bouche d’un membre du gouvernement qui avait rechigné à rendre public, son généreux patrimoine.

Le cirque de King Kong

Si le ridicule ne tue pas, personne n’imagine pour autant Robert Badinter, ou n’importe quel Ministre de la justice depuis la 5e République, se comporter ainsi dans la rue. Même Madame Taubira, souvent critiquée et critiquable, a su garder de la tenue lorsqu’elle officiait à l’Hôtel de Bourvallais, siège du ministère.

Las, quand Dupond-Moretti ne se donne pas en spectacle, c’est pour mieux tenir des propos graves, notamment en ce qui concerne le RN. En 2015 sur France Inter, l’avocat pénaliste proposait d’interdire le Front national, qui n’était pas selon lui « un parti républicain » : « Avec le retour des hirondelles, Marine a découvert que son père était un affreux raciste », avait-il commenté. Combattre, abattre, lutter… Tout ce vocabulaire, repris au passage par Darmanin qui parle de satanisme, incite à la violence et peut armer la main d’un déséquilibré.

A force de sombrer dans la farce, Dupond-Moretti lui, finit par prêter le flanc à la caricature, le sénateur LR Pierre Charon l’ayant récemment comparé à « King Kong en laisse » sur le plateau de Cnews. Il faut dire que King-Kong a une dent contre cette chaîne qu’il a qualifiée de « chaîne de Marine Le Pen » : la censure dans son délit monomaniaque !

Un ministre prêt à brider la liberté d’expression

De quel droit un ministre de la Justice ose-t-il condamner publiquement une chaine de télévision, en violation de l’article 10 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme qui consacre notamment le pluralisme et la liberté des médias ?

Qu’il porte ainsi atteinte à la liberté d’expression d’une chaîne parce que le contenu éditorial ne lui convient pas est effrayant dans une démocratie. « Comme il nous met en cause, j’ai essayé de le faire venir, je lui ai parlé pendant 17 minutes, j’ai essayé de le convaincre ! Je lui ai dit « venez, ça sera dans votre intérêt ! » » a déclaré Pascal Praud, animateur de CNews. Dupond-Moretti a courageusement décliné l’invitation : il préfère les émissions mielleuses où personne ne lui porte la contradiction.

Le 18 mai dernier, il avait d’ailleurs déclaré à l’Assemblée : « On va enfin parler sérieusement de la justice. Je ne parle pas sur les chaînes d’infos, enfin certaines d’entre elles… »

Avant de donner des leçons de morale aux chaînes de télévision, Éric Dupond-Moretti, polémiste indélicat, pourrait commencer par se les appliquer.

Parler franc

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