Emmanuel Macron est venu à Montpellier, échanger sur un sujet majeur pour les Français comme pour les Européens : la sécurité. A un an des élections, quoi de mieux en effet, que de sortir les muscles, à défaut de s’en servir.
Quand Blanquer joue à la marelle, Macron, rebaptisé « Le Petit Nicolas » par le journal Libération, s’adonne au coloriage et annonce la couleur. « Chaque Français verra plus de bleu sur le terrain en 2022 qu’en 2017 » a déclamé le Président, dimanche dernier, dans un entretien fleuve au Figaro, destiné à défendre son bilan sécuritaire – avant le dépôt de bilan ? –.
L’azur auquel il se réfère n’est pas celui de l’horizon, plutôt sombre en France, mais bien celui qui teinte l’uniforme des forces de l’ordre. Dressant un catalogue à la Prévert, Macron a donc promis : la création à Montpellier, d’une école de guerre – preuve que nous sommes en guerre -, 10 000 policiers et gendarmes supplémentaires d’ici la fin de son mandat, des véhicules neufs, un changement d’uniforme et un calot sur la tête des policiers.
Phénomène européen
Après la séquence premier épidémiologiste de France, place à l’épisode premier flic du pays ! Jusqu’à présent, le Président laissait Castex semer la bonne parole sur la « sécurité du quotidien », et Darmanin labourer le terrain. Désormais, il bat la campagne avec de gros sabots. Pour rassurer les Français sur sa capacité à passer à l’offensive, Macron s’est donc rendu à Montpellier, au cœur du quartier Mosson Paillade, miné par le trafic de drogue et son lot de violences.
Les émeutes qui enflamment les banlieues ne sont pas un phénomène nouveau, ni propre à la France. Au cours de ces dernières années, divers pays européens en ont été le théâtre, avec pour acteurs, des populations souvent issues de flux migratoires et animées d’un ressentiment post colonial. Notre pays semble toutefois se distinguer par deux spécificités : l’extension de cette crise à l’ensemble du territoire, et l’invention d’une politique dite de la ville, moyen onéreux mais pratique, d’acheter la paix sociale. Ainsi a t-on vu la ministre de la Ville, Nadia Hai, présenter cette semaine à Champigny-sur-Marne, un nouveau fonds de 10 millions d’euros à destination des jeunes des quartiers prioritaires de la ville (QPV), tandis que le quartier montpelliérain de Mosson Paillade bénéficie de 379,5 M€ pour opérer son lifting urbain.
Sondages et revirements
C’est donc là qu’Emmanuel Macron est descendu en sous-sol, jouer sa mélodie de la « vie paisible ». Au passage, la couverture des grands médias a occulté peu ou prou quelques images moins reluisantes : des habitants en colère repoussés par les CRS, des huées devant la CAF. Et un individu blessé par balles en plein centre ville, à l’heure où le Président visitait le commissariat central, scénario quasi identique à celui vécu par Castex, un mois plus tôt à Nîmes. Pour couronner le tout, Macron s’est vu interpeller sur la mixité par une femme voilée : « Mon fils, qui a 8 ans, m’a demandé si le prénom Pierre existait vraiment ou si ça n’était que dans les livres. » Voilà qui en dit long.
Sondages à l’appui, le Président a bien compris quel était le sujet essentiel. Aujourd’hui, 30 % des électeurs interrogés citent la sécurité comme l’un des thèmes les plus importants de l’élection de 2022, juste derrière l’emploi et le pouvoir d’achat (institut Elabe/Le Monde). Mais seuls 17 % des Français font confiance à Macron sur la question de la lutte contre la délinquance contre 45 % pour Marine Le Pen (Ipsos/Le Point). Alors, le candidat non déclaré réclame de changer « au plus vite » la loi sur l’irresponsabilité pénale après l’émotion suscitée par l’affaire Halimi et enchaîne les propositions, quitte à se contredire. Fin 2016, il affirmait encore n’être « pas contre » la légalisation de l’usage du cannabis. Désormais, il veut lancer « un grand débat national sur la consommation de drogue ». En décembre, il évoquait des « violences policières » ; lundi, il voit dans les détenteurs de l’autorité, « les principales victimes de la progression de la violence ».
L’actualité lui donne hélas raison : la violence empoisonne la vie des Français quand elle ne les tue pas. Et bleu ou pas, le costume qu’endosse le Président semble décidément mal taillé.